7 octobre 2025
E.Rials, rédacteur
Vincent Dedienne chante et dévoile un premier album inattendu

L’acteur et humoriste dévoile un premier album inattendu, entre ironie douce et émotion sincère. Un virage artistique rare, finement orchestré, qui révèle une autre facette de son talent. Il réussit un pari rare : passer du rire à la chanson sans perdre son identité.
Une mue naturelle, presque inévitable
Vincent Dedienne, qu’on connaît pour son élégance verbale et son ironie pleine de tendresse, s’apprête à franchir un nouveau cap : il chante. Après avoir triomphé sur scène avec son spectacle Un soir de gala, il en livre aujourd’hui le miroir musical avec Un lendemain soir de gala, un premier album qui prolonge l’univers du comédien tout en l’inversant. Ce n’est plus le rire qui ouvre la porte, mais la mélancolie.
Cette mue n’a rien d’une rupture. Elle apparaît plutôt comme la continuité d’un artiste complet, héritier d’une tradition à la fois littéraire et populaire où le texte compte avant tout. Dedienne a toujours cultivé la musicalité de la langue, jusque dans ses sketches, où chaque mot semblait pesé, rythmé, mis en scène comme une note. La chanson n’est donc pas pour lui une destination étrangère, mais un retour à la source : celle du verbe et du souffle.
Une écriture à plusieurs mains, fidèle à son univers
Ce disque a été pensé comme un prolongement poétique de ses personnages. Dedienne a invité plusieurs auteurs et compositeurs parmi les plus raffinés de la scène française contemporaine : Alex Beaupain, Jeanne Cherhal, Vincent Delerm, Albin de la Simone… Autant de plumes qui, comme lui, mêlent humour, pudeur et mélancolie. Chaque chanson naît d’un fragment du spectacle, d’une réplique, d’une situation. Là où le public riait, la musique révèle ce qu’il y avait dessous : le tremblement, la solitude, la nostalgie. En cela, Un lendemain soir de gala n’est pas un album comique, mais un album sur ce qu’il reste quand les rires s’éteignent.
Beaupain, souvent comparé à un Souchon plus urbain, apporte sa science des harmonies douces-amères. Cherhal y glisse une poésie féminine et introspective. Delerm, fidèle à son écriture impressionniste, enrobe l’ensemble d’une délicate distance. Quant à Albin de la Simone, il a façonné la production dans un esprit de sobriété : des arrangements clairs, souvent acoustiques, laissant respirer les textes. Tout cela forme un disque cohérent, à la fois léger et grave, où Dedienne chante sans chercher la performance, mais avec un sens de la nuance qui rappelle les grands diseurs — Montand, Reggiani, ou même Gainsbourg dans ses premiers enregistrements. La voix n’est pas celle d’un chanteur professionnel, mais d’un conteur qui ose le murmure.
Un spectacle musical pensé comme un prolongement scénique
L’artiste ne se contente pas de sortir un album : il monte sur scène pour l’incarner. La tournée Un lendemain soir de galaparcourra la France à l’automne 2025, avec des haltes à Nantes, Saint-Grégoire, Guipavas, Aix-en-Provence, Cannes, et un point d’orgue au Trianon de Paris en décembre.
Sur scène, Dedienne promet de mêler chansons, textes et dialogues, comme dans une conversation prolongée avec son public. Le spectacle devrait alterner moments chantés et séquences parlées, renouant ainsi avec une tradition du cabaret français, celle où la chanson raconte, commente, respire. Il y a dans cette démarche quelque chose du récital à la Barbara, où la scène devient un espace d’intimité partagée, à mi-chemin entre théâtre et confidence.
Les choix artistiques : la pudeur du texte, la clarté du son
L’album, annoncé sous le label indépendant Little Big Music, s’inscrit dans une esthétique de la discrétion. Pas de grand orchestre, ni d’effets électroniques. Les instruments acoustiques dominent : piano, guitare, quelques cordes, un peu de cuivre. Le son est clair, direct, presque « de salon ». On y retrouve la recherche de sincérité qui traverse toute la chanson d’auteur française : celle qui préfère la justesse à la puissance, l’émotion à la démonstration. Ce minimalisme n’est pas anodin : il souligne la fragilité d’une voix nouvelle dans un univers où tout est souvent surproduit. Dedienne ne cherche pas à se travestir en chanteur pop, ni à singer les codes du music-hall ; il choisit le dépouillement, comme pour mieux se révéler. Ce parti pris esthétique le place dans une filiation assumée : celle des artistes qui racontent d’abord des histoires. L’auditeur attentif y reconnaîtra une parenté avec Thomas Fersen, Benjamin Biolay ou Vincent Delerm — non dans la forme, mais dans l’esprit : un art du récit mis en musique, entre sourire et mélancolie.
Un geste d’auteur plus qu’un album
Ce qui frappe, dans ce premier disque, c’est l’absence d’ambition commerciale apparente. Il s’agit moins d’un lancement dans l’industrie musicale que d’un geste artistique. Dedienne se livre sans posture, sans stratégie. Il chante ce qu’il écrit, ou ce que d’autres écrivent pour lui, mais toujours dans une continuité de ton et de regard. Cette sincérité, parfois désarmante, pourrait bien toucher un public au-delà de ses fidèles spectateurs. Car elle rejoint un besoin actuel de vérité et de douceur dans la chanson française. À l’heure où la scène hexagonale oscille entre hyper-production et minimalisme numérique, son disque fait figure de respiration. Et s’il surprend, ce n’est pas par provocation, mais par cohérence : Vincent Dedienne a toujours su décaler les formats, déplacer les lignes. Son passage à la chanson n’est donc pas une fantaisie, mais une suite logique de son parcours : un théâtre intime où les mots, cette fois, se mettent à chanter.
Avec Un lendemain soir de gala, Vincent Dedienne réussit un pari rare : passer du rire à la chanson sans perdre son identité. Il ne devient pas un « chanteur » de plus, il demeure un conteur, un styliste du verbe. Mais il y ajoute la musique, comme une seconde peau.
Le résultat, pudique et raffiné, s’inscrit dans la grande tradition de la chanson française d’auteur. Et si cette aventure trouve son public, elle pourrait bien marquer la naissance d’un nouvel espace artistique : celui où l’humour rencontre la mélancolie, et où la parole se transforme, enfin, en chanson.
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